Rappelez-vous. C’était le soir des Oscars 2006. Brokeback Mountain partait gagnant pour succéder à Million Dollar Baby. Mais ce n’est pas Ang Lee qui remerciera le public pour son oscar mais..Paul Haggis, scénariste de Million Dollar Baby et Flags of ours fathers (le new Eastwood) et scénariste-réal de Collision qui s’avance sur la scène pour recevoir son oscar.
Collision c’est une gifle qui secoue et un appel d’Haggis disant "ouvre les yeux et regarde autour de toi la haine, l’horreur, la misère du monde dans lequel tu vis. Regarde les Etats-Unis, tu admires ça,toi??"
Ce qui est bien dans ce film, c’est qu’Haggis ne cherche jamais à en mettre pleine la vue. Il expose des faits, il montre une ville, des personnes humaines, il s’immisce dans la vie de personnes que l’on ne connaissaient ni d’Eve ni d’Adam mais que l’on se prend à aimer ou détester. Il fait une sorte de radiographie de la société américaine, sans lui faire de procès. Il la met face à ses (vieux) démons. On se sent plus ou moins proche des personnages, on les comprend, ils sont humains, réels, normaux...et ça, c’est pas tous les jours que l’on ressent ça dans un film.
Haggis filme le destin d’une quinzaine de personne qui va basculer, en 36 heures avec pour seul lien: le racisme. Mais ce n’est que la facade. Il va plus loin: les armes, la société…Emouvant. Dur. Choc. Le courant de la vie nous y conduit inexorablement. C’est le slogan du film, et il résume tout compte fait à lui tout seul le film et son état d’esprit. On n’y échappe pas. On veut croire que cette horreur va s’arrêter. On se dit que la race humaine ne peut pas être aussi méchante, cruelle, destructrice. Réveillez-vous, on n’est pas chez Walt Disney. Ici, Haggis montre la réalité, aussi dérangeante soit-elle.
Comme de nombreux films, le film commence par la presque fin du film, ce qui rajoute à la tension dramatique: on est devant un fait accompli qu’on ne pourra pas changer. La mort d’un jeune noir. Dès les premières minutes du film le ton est donné. Et on revient 36 heures avant pour voir le pourquoi du comment. Comment tout s’est enchaîné. Le destin, le hasard ont une place importante dans le film de Paul Haggis. Quelques effets de style, une magnifique musique, une histoire dérangeante et réelle, et surtout une poignée d’acteurs fantastiques. Les dernières images du film sont absolument renversantes: elles forment une boucle avec le monologue (superbe) de Don Cheadle qui ouvrait le film. Le film commençait avec une collision…il finira avec une collision.
La distribution est à la hauteur du film: Matt Dillon, Thandie Newton, Don Cheadle, Ryan Phillippe ( j’adore), Jennifer Esposito, Sandra Bullock, Brendan Fraser…et plein d’autres dans des rôles des plus variées. Flics, couple bourgeois, voyous, cinéaste…Le reflet de notre société. Le reflet du monde que nous avons crée. Ca fait peur.

Dix mille oscars pour ce bijou de Paul Haggis qui s’infiltre en vous pour ne plus jamais vous lâcher. Enfin un portrait de société dénué de tout artifices, qui ose montrer les choses en face, dénonçant, soulignant, mais sans jamais prendre parti réel. Une musique, des dialogues, des acteurs, des images…tout ça c’est Collision. Quelques films se sont détaché du lot l’année 2005 (Garden State,Match Point…), mais aucun ne bouleverse autant. Tout autre commentaire serait inutile.