On venait à peine de se remettre (en surface) de son Collision et voilà que Paul Haggis revient avec son nouveau brûlot Dans la vallée d’Elah. Là aussi l’ami de Clint Eastwood (il a écrit Million dollar baby et ses deux derniers films), frappe fort. La mise en scène est épurée, sans effets pesants et plombants. L’histoire, elle, oscille entre drame et policier, n’oubliant pas de nous broyer au passage. Estampillé "inspirés de faits réels", Dans la vallée d’Elah ne délivre pas une critique trop virulente, lourde ou appuyée. Bien au contraire, la critique est sous-entendue, omniprésente. C’est d’autant plus fort et remarquable. Paul Haggis tout en finesse et émotions, sans jamais tomber dans un mélo bien sentie, parle à différents niveaux, en vrac, de la guerre en Irak et de ses conséquences sur les soldats, du racisme, du machisme, du système américain et de l’Amérique tout en entière, de la perte d’un enfant, de patriotisme et de violence. Ancré dans une forte réalité sociale, le film fend le coeur en deux. L’écrase. Le brise en mille morceaux. Parce que ce n’est pas loin. Parce que c’est vrai. Parce que c’est dans notre monde. Parce que Paul Haggis, comme dans son précédent film (l’oscarisé Collision, on ne le répétera pas assez), nous renvoit tout dans la figure. Le trait n’est jamais forcé ou complaisant. Et donne toute sa puissance au drame. Le film nous brise surtout par l’interprétation du grand Tommy Lee Jones. Bouleversant dans son rôle de père qui voit pour la première fois la vérité en face et doit affronter la perte d’un fils. Rôle pas facile, il n’entre jamais dans la caricature, laissant flotter ses regards, cherchant quelque chose en quoi se raccrocher. Chaque ride de son visage est en proie à la confusion de ses sentiments. Qu’il laisse rarement transparaître. Il faut chercher dans ses yeux, son âme, ses gestes, les plus infimes soient-ils. Il s’engage à la poursuite de ses idéaux perdus à travers la recherche de son fils. Peu à peu la vérité se fait, emportant tout ce à quoi il croyait. Susan Sarandon, mère éplorée, est magnifique de détresse et de tristesse. Charlize Theron, sans maquillage, cheveux châtains tirés en arrière, vêtements informes, prouve qu’elle est une grande actrice qui n’a besoin de jouer sur son physique. Très justes, les deux femmes sont les seules présences féminines du film. Elles et Tommy Lee Jones ajoutent à la sobriété du film. Sobriété parfois glaçante, mais toujours chargée en émotion. Et puis au bout de ces deux heures (pas vue passées), le constat glaçant et terrifiant arrive en une sublime dernière image. Alors que Collision se finissait sur une collision, Dans la vallée d’Elah se termine sur un drapeau. Patriotisme après tout ça? Bien sûr que non. Juste un drapeau retourné. Qui signifie pour l’armée américaine "Nous somme en détresse, sauvez-vous". Tout est dit.
Les faits sont là: Dans la vallée d’Elah est le grand film américain de l’année. Parce que Paul Haggis s’atttaque à la guerre en Irak et l’Amérique avec. En place d’armes et de pamphlets virulents, il sort un scénario renversant et bouleversant, une maîtrise sobre qui laisse l’émotion affleurer, et abat sa carte gagnante: Tommy Lee Jones. Le constat dur, brisant, nous renvoit l’horreur et la bêtise du monde en pleine figure. Nous sommes pires que des monstres, semble-t-il nous dire… Malgré ça, Paul Haggis dit encore avoir de l’espoir en la race humaine. Optimiste?