Brillant drame que voici. Woody Allen réalise avec Match Point un film au summun de son art, amoral et machiavélique, pervers et sensuel. Sur des airs d’opéra, il entraîne inéluctablement son héros vers le drame sans s’apitoyer, avec même un certain cynisme. Au côté passionnel et sensuel représenté par la volcanique Scarlett Johansson, il oppose la lenteur et la routine bourgeoise: travail redondant dont il monte les échelons grâce à son statut de gendre du parton, mécanisme de ses relations sexuelles avec sa femme, luxe et paresse, hypocrisie d’une classe dont il tend à montrer les défauts. Il met les opposés en balance pour mieux montrer le choix de Chris, plutôt radical. Si on est révolté par son choix – préférer le confort matériel et social au « vrai » amour – on ne peut le haïr totalement. Toute la virtuosité du maître est là: nouer un adultère plutôt banal en mélodrame cruel et mordant, mais dénué de tous clichés. Réalisé avec des gants, Match Point donne avec beaucoup de classe et de glamour l’avis, désabusé, du cinéaste sur l’amour sacrifié sur l’autel de l’argent et du pouvoir, réflexion amère mais juste de la société actuelle. C’est d’autant plus fort qu’il est le parfait reflet d’un mode de vie et d’un idéal que veulent la plupart des gens, et auquel accède Chris Wilton faisant l’ultime sacrifice. Un bijou d’une noirceur plutôt inattendue dont le spectateur se délecte, presque avec honte, tellement le final nous coupe la respiration. Ce Woody Allen est un de ses meilleurs, ce qu’il a fait de mieux récemment. Jonathan Rhys-Meyers en héros torturé et amoral, Scarlett Johansson en vamp sexy, Emily Mortimer femme gnan-gnan et ridicule, Matthew Goode en fils hypocrite, Brian Cox et Penelope Wilton en parents coincés mais parfois venimeux (la mère), sont le casting réussi et parfait de film qui marquera les esprits. Rien que pour sa subtilité qui livre ici un drame bien ficelé et qui interroge sur la culpabilité dans la dernière scène.