Château en Suède est un téléfilm, certes, mais il serait très dommage d’en faire l’impasse sous prétexte que. Plusieurs grands et beaux noms s’accumulent derrière la caméra: le texte est tiré d’une pièce de théâtre de Françoise Sagan, le scénario est signé Christopher Thompson (mari de Géraldine Pailhas, présente dans le film) et l’adaptation cinéma est faîte par Florian Zeller (écrivain qui a mis en scène ses pièces), tout ce monde réuni par Josée Dayan, réalisatrice. Côté mise en scène ça tient la route, notamment par le jeu des acteurs, qui portent ce huit-clos à bout de bras, sans jamais se laisser assommer par la tâche. A la fois très cruel, sarcastique et drôle, Château en Suède est une critique de la décadence de la bourgeoisie mais aussi un jeu façon Liaisons dangereuses où Sébatien et Eléonore (frère et soeur à la relation incestueuse) s’amusent avec un jeune homme pour combler leur ennui. Très ambigüe, l’intrigue, perverse et dangereusement passionnante, est parfaitement dosée et l’on ne s’ennuie pas une seconde. On est rapidement emporté dans leur petit monde. Si derrière la caméra il y a du beau monde, devant c’est encore mieux: la grande Jeanne Moreau (hilarante), la charmante Géraldine Pailhas dans un rôle assez sombre, la belle Marine Delterme, Aymeric Demarigny naïf et un peu niais et Normand d’Amour homme dangereux dont on ne sait pas ce qu’il est capable de faire. Sauf que voilà, si tout le groupe réunit fonctionne à merveille, on ne voit que Guillaume Depardieu, l’enfant terrible décédé à 37 ans il y a quelques semaines. C’est son dernier téléfilm. Il y joue un dandy, une sorte d’arriviste, qui s’incruste dans la famille du mari de sa soeur et vit à leurs crochets. Il s’ennuie, c’est comme une maladie, et compte bien jouer avec le nouveau venu, trop naïf pour comprendre à qui il a affaire. Guillaume Depardieu est magnifique dans son rôle, sarcastique, drôle, dédaigneux, toujours classe et désabusé. Chaque mot, chaque phrase depuis sa disparition plane sur le film. Il cite du Pierrot le fou (de Godard) sans paraître ridicule. Le spectateur a un goût amère dans la bouche: on vient de comprendre ce qu’on a perdu. Et lui, en pleine forme, sourire en coin, de se tourner vers la caméra et de lancer un « J’adore ce jeu. Pas vous? ».