Welcome

Bienvenue en France

Vincent Lindon et Firat Ayverdi. Guy Ferrandis

Vincent Lindon et Audrey Dana. Guy Ferrandis
 

Bilal est un jeune réfugié kurde qui veut traverser la manche pour l’Angleterre, où sa petite amie l’attend. Il rencontre à la piscine de Calais où il s’entraîne Simon, un entraîneur. Celui-ci décide de l’aider dans l’idée de reconquérir sa femme. Mais un lien se tisse entre les deux hommes.

Welcome. Ironie, bien sûr, de la part du réalisateur Philippe Lioret avec ce titre. Premières images: des hommes, clandestins, se cachent dans des camions pour rallier l’Angleterre et se mettent des sacs plastiques sur la figure pour ne pas se faire repérer lors des contrôles de CO2. Dès le début, Lioret affirme sa position et décide de tout filmer, filmer l’innomable, ce que l’on refuse de savoir, que l’on ignore volontairement, de nous mettre face à ce qui nous fait détourner les yeux. Welcome est un film politique d’actualité comme jamais mais surtout un film social sur le problème des immigrés en France, notamment au nord-ouest. A ce titre, on peut rapprocher Lioret du cinéaste anglais engagé Ken Loach, comparaison plus que flatteuse. Comme son pair anglais, il montre du doigt et dénonce, avec parti pris. Et la réalité n’est pas belle à voir, loin de là, à l’image de la scène où deux immigrés se voient refuser le droit d’entrer dans un magasin, ou encore lorsque le voisin de Simon le dénonce à la police pour avoir héberger deux immigrés.

Lioret décide d’en faire un drame humain, à hauteur d’hommes avec beaucoup de pudeur et de tendresse mais aussi de l’amour (bonne musique à noter) comme pour ses précédents films, les excellents Tenue de soirée exigée, L’Equipier, Je vais bien ne t’en fais pas et le moins bien Mademoiselle (conseil: regardez-les tous, ils valent le coup d’oeil). Cinéma de l’épuration et des silences, Welcome dresse cette histoire d’amitié, ce lien indéfinissable, entre Simon et Bilal, dans les décors gris de Calais et montre comment un homme, Simon, monsieur tout-le-monde, décide de penser aux autres, de s’attacher et de se battre à sa manière contre la connerie et l’individualisme. Et Lioret ne fait pas de Simon un héros, bien au contraire, puisque celui-ci n’a pour but au début que de reconquérir sa femme en lui montrant qu’il peut s’intéresser aux immigrés. La rudesse, la rugosité de l’histoire permettent à celle-ci de ne pas appuyer l’émotion, mais au contraire de serrer le cœur jusqu’à l’implosion – la fin. Lioret ne cherche pas à faire un film mielleux où tout finit bien, où tout est facile. La dureté de certaines scènes (la scène du camion au début, où l’on retient son souffle ou encore la scène où Simon s’engueule avec Bilal) refuse tout discours bien-pensant. Lioret comprend qu’il faut frapper fort, qu’il est déjà trop tard pour tout réparer. Tout en minutie, Philippe Lioret distille l’émotion et arrive à mettre à l’écran ce qui ne se dit pas: l’amour, la séparation, l’amitié, la douleur, l’indignation. Il faut dire qu’il est aider de l’excellent Vincent Lindon, acteur au regard douloureux et transperçant, et à l’âpreté magnifique (le voir également dans Ceux qui restent d’Anne le Ny) et de l’inconnu Firat Ayverdi qui convainc sans difficulté dans le rôle bouleversant de Bilal. A noter également Audrey Dana, faîte de pudeur et de charme.

Un film bouleversant, dur et tendre, réel et nécessaire, qui laisse un constat amer en finissant par une impasse. Une impasse qu’il fallait mettre à jour pour que tout le monde en prenne conscience, une impasse que Lioret filme avec tristesse et que l’on regarde presque avec haine, haine de faire partie de ce pays, haine de voir que les choses ne vont pas en s’arrangeant. La fin, cut, violente et assommante, ne fait qu’accentuer le message. Liberté, égalité, fraternité,  ça n’est pas pour tout de suite.
 

Guy Ferrandis

 

 

 

 

2 thoughts on “Welcome

  1. Le gros coup de coeur français de ce début d’année!Bouleversant, renversant, déchirant, beau et tragique, humain, révoltant et Vincent Lindon idéal pour le rôle! Ce film est déjà un des favoris des César 2010!

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