Un prophète

Audiard regarde les hommes monter

Tahar Rahim. Roger Arpajou

Niels Arestrup et Tahar Rahim. Roger Arpajou

Tahar Rahim. Roger Arpajou
 

Malik a 19 ans lorsqu’il arrive à la Centrale. Il ne sait ni lire, ni écrire. Il en a pour 6 ans. Rapidement, le clan des corses et le « chef » César Luciani lui demande une mission : tuer un co-détenu. S’il y arrive, il sera sous leur protection.

Après un Grand Prix à Cannes, on attendait avec impatience de voir ce Prophète encensé par des critiques plus que positives, annoncé comme un des plus grands films français de l’année. Après vision du film, une constatation s’impose: Un prophète de Jacques Audiard est bien le film attendu, méritant tout son succès et plus encore. Il fallait du culot et de l’audace pour réaliser un tel film: 2h35 entre les murs d’une prison à suivre l’ascension prodigieuse mais qui a un prix de Malik, jeune héros du film (Tahar Rahim, excellent). C’est passionnant. Parce que déjà Audiard (réalisateur des excellents Sur mes lèvres et De battre mon coeur s’est arrêté) sait filmer, il sait ce que ça veut dire de « faire du cinéma ». Mise en scène viscérale, noire, âpre, il nous plonge dans l’univers carcéral avec un réalisme déchirant et violent, sur les accords de la superbe musique d’Alexandre Desplat. Au fur et à mesure que Malik prend ses marques, le spectateur lui aussi a l’impression de « vivre » entre ses murs. Lorsque la caméra et Malik en sortent, lors des permissions, on n’a qu’une envie: retourner à l’intérieur. Et puis, surtout, Un prophète tient debout grâce à son personnage principal, Malik, jeune homme à la gueule d’ange et au regard innocent, mais à l’intelligence redoutable et qui va devoir abandonner tous ses principes pour survivre. Au début fragile, il s’endurcit par la suite, notamment après le meurtre d’un détenu qu’il effectue pour les corses. A partir de là, il fait la bouffe, le ménage pour César (Niels Arestrup, fascinant de force et de violence intérieure) et les corses mais écoute, regarde, apprend. Il va apprendre à lire et à écrire, puis va rencontrer un dealer et va travailler avec lui Le duo César-Malik est un des piliers du film, scènes fortes et intenses entre deux hommes qui se servent l’un de l’autre pour être en haut de l’échelle, avoir le pouvoir en quelque sorte. Mais Malik n’est pas un simple voyou et c’est ça qui donne au film toute son intelligence et sa force. Audiard réussit le pari de rendre Malik attachant au spectateur, par sa fragilité, et par son fantôme, fantôme de l’homme qu’il a tué pour pouvoir avoir la protection des corses. Celui-ci revient le hanter, montrant toute la dualité du personnage. Rien n’est tout blanc, rien n’est tout noir. La corruption, les meurtres, les clans…Jacques Audiard balance tout. Il ne cherche pas à juger ou faire un documentaire sur les prisons. Il montre simplement la bêtise humaine, la violence animale (tuer pour survivre ou tuer sans motif), ce besoin de survie qui n’est régie par aucune règle. Et comment dans un espace confiné comme la prison, se mettent en place règles et hiérarchie avec les forts et puissants d’un côté et les faibles et sans protection de l’autre. Malik va passer de l’autre côté, mais pour ça, le prix à payer est bien une partie de son âme et sa déshumanisation progressive

Un prophète est un film puissant, dur et cru, qui n’a rien à envier à des films tels que Scarface. Audiard signe un grand coup avec ce polar dramatique, en révélant Tahar Rahim, acteur de chair et de corps, et en signant là l’une des plus belles oeuvres cinématographiques de l’année.
 

UGC Distribution

 

 

 

 

3 thoughts on “Un prophète

  1. Plus que de savoir ce que c’est que de « faire du cinéma », il sait ce que c’est que de « faire son cinéma » 😉 J’aime beaucoup son style dans De Battre Mon Coeur S’est Arreté, j’attend avec impatience de voir ce fameux chef d’oeuvre carcéral !

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