Brothers

Frères de sang

Jake Gyllenhaal et Tobey Maguire. Relativity Media

Sam et Grace sont un couple américain banal, vivant heureux avec leurs deux petites filles. Mais Sam qui travaille pour la marine américaine est envoyé en Afghanistan. Son hélicoptère est victime d’un crash et l’armée le déclare comme mort. Grace doit alors faire son deuil, épaulé par Tommy, le frère de Sam qui vient de sortir de prison. Alors que des liens se nouent, on apprend que Sam est vivant.

Rappelons les faits. En 2006 sortait Brothers de Susanne Bier, un film danois impressionnant. 2010: Jim Sheridan, le grand réalisation de Au nom du père, en fait un remake américain. De là, en découle le premier point faible de ce film: comment faire lorsque l’on a vu le film de Bier pour ne pas avoir l’impression de revoir une nouvelle fois la même histoire? En effet, l’effet n’est plus le même puisque l’on sait déjà tout ce qui va se passer et que finalement il n’y a pas beaucoup de changements entre les deux versions. On ne peut d’ailleurs s’empêcher de les comparer et ce qui en ressort évidemment est la noirceur du Brothers de Bier que l’on retrouve à peine dans celui de Sheridan. Dommage. Mais j’ai décidé de ne pas écrire toute une critique comparative entre les deux films (je le ferais peut-être si j’ai l’occasion de revoir le film de 2006), notamment parce que la vision de celui de Bier date de bien longtemps et que se serait dommage de gâcher les propres qualités de ce remake. Repartons alors à zéro.

Avec ce film, Jim Sheridan mélange l’Histoire et l’histoire: c’est à travers le portrait de cette famille que le cinéaste pointe du doigt la guerre en Afghanistan et les conséquences sur les soldats, une fois rentrés chez eux (ici Sam est enlevé, torturé et poussé à commettre des actes presque inhumains). C’est aussi un drame sur le deuil : celui d’une femme qui a perdu son mari, d’un frère, deux enfants qui ont perdu leur père, un père qui a perdu son fils. Chacun se rapprochent, essayant de se remettre de la mort de celui qu’ils aimaient tous, à leur manière. Sauf que voilà, Sam n’est pas mort, et si le spectateur le sait rapidement, grâce à des scènes avec lui, Grace et Tommy ne le savent pas. La pression monte lentement. Le film se fait plein de pudeur, a beaucoup de grâce et de tendresse. Et puis Sam revient, bouleversé, choqué au plus profond et doit réapprendre à vivre en société, à faire le deuil de ce qui s’est passé là-bas. A partir de ce moment, la pression monte en flèches dans des scènes plus ou moins intenses (on se surprend même à arrêter de  respirer lors de la scène du repas d’anniversaire de la plus petite fille du couple). L’explosion se fera, celle que l’on attendait tous, même si on aurait souhaité plus de vigueur et de violence. Si Brothers se laisse très facilement regarder, notamment par sa dimension humaine universelle, il reste toujours dans l’émotion contenue, poignant à défaut d’être bouleversant. Sheridan met également une certaine retenue à la relation Grace-Tommy. Tout cela manque de quelque chose. D’autant que la scène de fin est assez décevante. Mais il reste un drame bien ficelé, d’une beauté froide et douloureuse, porté par trois acteurs de chocs: Natalie Portman, Jake Gyllenhaal et Tobey Maguire. Tous les trois donnent corps à leurs personnages blessés et humains dans des prestations remarquables. Quand à Natalie Portman qui avait déserté les écrans en 2009, elle est définitivement la plus grande actrice du monde (évidemment, c’est subjectif).

Plus brut et âpre, Brothers de Susanne Bier s’impose comme le fait qu’il est difficile de faire des remakes à la sauce américaines. Mais Brothers de Jim Sheridan prouve lui, qu’il est possible de faire des bons remakes, des films gardant l’émotion et la justesse du premier. Si bien sûr on a l’impression que l’histoire se répète et de ne rien apprendre de nouveau, Brothers (2010) arrive tout de même à capturer le spectateur par son trio d’acteurs époustouflants. Bier n’avait Portman, ni Gyllenhaal, ni Maguire (même si elle avait de très bons comédiens). Entre tendresse, douleur, violence et passion, Brothers noue une intrigue délicate autour d’un trio amoureux sur la musique de U2. Classe.

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