La barrière entre la fiction et la réalité n’existe plus ici. Les pleurs de ces femmes, les corps ensanglantés, la misère et la violence, ici, tout est vrai. Ce
cinéma-vérité est d’autant plus fort que l’on sait dès les premières minutes qu’ici il n’y a pas de « cinéma », que le sang et les cadavres que l’on verra à l’écran sont « réels ».
Ce documentaire de Christian Poveda – tué par balles avant la sortie du film en France, par ceux-là même qu’il avait filmé et tenté de montrer l’humanité- nous plonge dans le quotidien de la
Mara 18, un gang salvadorien connu pour sa violence, ennemi juré de la MS (Mara Salvatrucha). C.Poveda s’est immergé pendant un an dans
cet univers médiocre et triste où violence, vengeance et haine rythment les journées des membres du 18, condamnés au mieux à la prison, au pire à la mort. Reste de cette expérience intense,
1h30 d’images, sans voix-off, au plus près de la réalité, sans concession, mais avec une grande humanité. Christian Poveda
filme tout, mais ne juge pas. Il essaie au contraire de montrer
toute la complexité et le paradoxe de cette jeunesse, de ce pays enfermé dans un cercle infernal. La violence et la haine les aveuglent, les morts sont légion (le film est rythmé des enterrements de membres de la 18) et le
constat bien triste: une jeunesse que l’on sait d’avance condamnée (ils sont tatoués, signe distinct de leur appartenance à la 18 qui leur est fatal), qui ne peut s’en sortir, notamment car condamnée par la justice et la police (le portrait de l’adolescent de 16 ans mis en prison résume à lui seul le propos). Christian Poveda
cherche à comprendre pourquoi, pourquoi ces jeunes ne vivent que pour tuer. Il y laissera sa vie. Mais aussi un
témoignage important et dur sur une jeunesse oubliée et violente. « Il y cherchait obstinément la trace de l’humain dans l’inhumanité même » nous disent C.Solive et J.Durand dans un texte hommage (sur le livret dans le dvd).
« Humain » et « inhumanité », le paradoxe qui anime ce documentaire qui laisse l’esprit plein de questions.
Bonus du DVD
Voici pour une fois une édition DVD qui ne ment pas lorsqu’elle dit avoir des bonus. Vous retrouverez sur le premier DVD (en plus du film) une rencontre avec le réalisateur Chrisitian Poveda ainsi que le Envoyé Spécial sur la mort du réalisateur, un docu de 30 minutes passionnant et qui permet de retrouver des personnages vus dans le film, comme Little One (obligée de vivre cachée) et qui permet d’approfondir le propos du film de Poveda.
Dans le second DVD, réservé aux bonus, on y trouve: un docu de Canal + sur la mort de Poveda (qui rejoint celui de Envoyé Spécial), des interviews de membres de la 18 et de la MS (là aussi très intéressant) réalisées par Poveda avant le tournage du film, des portraits réalisés par Poveda de membres du 18 (certains que l’on voient dans le film comme La Wizard), une autre interview de Christian Poveda et le premier documentaire de C.Poveda « Revolucion o Muerte » – genèse d’une guéreilla au Salvador tourné en 1981.
En plus des 2 DVD, un livret se rajoute à l’édition collector, livret contenant de magnifiques photos en noir et blanc réalisées par Poveda lors du tournage ainsi qu’un hommage de Carole Solive et Jacques Durand.
Une très belle édition DVD qui permet de bien cerner le sujet. C’est bien fait, passionnant et intelligent.
La Vida Loca
Un film de Christian Poveda
Editeur : BAC Films
http://www.bacboutique.com/
Date de sortie : 02/03/2010
Là encore je partage tout à fait ton avis. Je n’avais pas vu la photo de Poveda avec les personnages : très émouvant….