Après le magnifique Leonera, Pablo Trapero revient avec Carancho, beau thriller dramatique se déroulant de nouveau en Argentine. Le cinéaste pour son 6e long métrage s’empare d’un fait social réel pour construire son film : les accidents de la route en Argentine causent de nombreux décès et les « carancho », des avocats véreux, en profitent pour se remplir les poches (ils trichent en reversant seulement une partie des allocations allouées aux victimes et à leur familles). Le contexte social est, comme son précédent film (la prison pour Leonera) la base de Carancho, mais ce n’est vraiment ce qui intéresse le plus le réalisateur argentin. Celui-ci préfère faire surgir de la nuit poisseuse un film noir intense et beau à la mise en scène épurée. Et la rencontre de deux personnages brisés, cassés, qui essayent non pas de vivre, mais de survivre : lui, Sosa, carancho, qui arnaque les assurances mais qui se promet de quitter tout ça, dès qu’il aura à nouveau le droit d’exercer, et elle, Luján, jeune urgentiste ambitieuse mais qui se drogue régulièrement pour tenir, pour continuer à avancer. Leur histoire fragile n’est pas vraiment une histoire d’amour au début. C’est dans leur solitude qu’ils se retrouvent. Dans leur manière de lutter à deux contre le désespoir et la médiocrité pour s’en sortir. Leur amour naît dans la nuit, dans le sang des victimes, sur les lieux d’accidents de la route, autour de carrosseries abimées. S’ils arrivent à trouver la force pour avancer, pour se battre, c’est grâce à l’autre. Pablo Trapero prend garde à ne pas les rendre ni trop parfaits, ni trop antipathiques, mais les humanise : à la fois fragiles et forts, faibles et passionnés. D’une noirceur étouffante (notamment à travers les cadres resserrés, la caméra à l’épaule), ce thriller lucide et âpre, sans fards ni artifices, tisse sa toile mortelle autour des personnages qui tentent de s’épanouir dans ce monde corrompu et sale. L’histoire d’amour de Sosa et Luján illumine alors la noirceur et la misère des rues de Buenos Aires. Mais Pablo Trapero ne tombe jamais dans le romantisme niais et le final est en ce sens magnifiquement ironique, tragique, intense, éprouvant. Il est le point culminant d’une uvre forte, hantée par la mort et la violence, qui regarde l’horreur de la situation droit dans les yeux (des gens vont jusqu’à se blesser volontairement pour prendre de l’argent aux assurances) à travers le portrait de deux personnages diablement beaux dans leur complexité et leur paradoxe. Il faut dire que Carancho est porté par deux grands acteurs, Ricardo Darin, que l’on retrouve après le très bon Dans ses yeux, et Martina Gusman, l’héroïne bouleversante de Leonera et épouse du cinéaste. Le film vit à travers eux, et leurs corps, blessés, meurtris, abimés qui tentent d’oublier le reste de ce monde pourri et violent, le temps d’étreintes passionnées et tendres.
De même, je pense que c’est un très bon film, touchant et dur de part le réalisme d’une Argentine corrompue, maiss aussi grâce à ses acteurs qui étaient justes à chaque fois.
Bref 😀 vivement qu’il sorte en DVD !!
J’ai été pour ma part très déçu, ne comprenant quasiment rien à ce que voyais à l’écran (la nature des arnaques, le rôle des uns et des autres, etc…).
Très beau film, effectivement…