La souffrance, la douleur, chacun vit avec, comme il peut. Il n’y a pas de règles, pas de passages obligés. Howie et Becca ont perdu leur petit garçon. Huit mois plus tard, il ne leur reste que la peine qui leur ronge le cur, une souffrance si intense que personne ne peut comprendre, une souffrance au-delà des mots. Howie (Aaron Eckhart, d’une intensité poignante et dévastatrice) décide de suivre les thérapies de groupe, se lie d’amitié avec une femme ayant elle-aussi perdu son enfant, cherche les traces d’existence de son fils derrière chaque porte. Becca (Nicole Kidman qu’on avait pas vu aussi juste et excellente depuis longtemps) tente de s’éloigner de sa mère, qui elle-aussi a perdu un fils et veut l’aider (mais cette douleur là ne se partage pas, ne se compare pas), refuse les thérapies, et suit le jeune homme responsable de la mort de son fils. Le couple se déchire lentement, chacun s’enfermant dans sa propre solitude, car fasse au chagrin, on est seul. Le film ne dure qu’une heure et trente minutes, de sorte à être un concentré d’émotions, de violence sourde. Rabbit Hole est adapté d’une pièce de théâtre qui se déroulait dans la maison du couple, mais John Cameron Mitchell a choisit de ne pas filmer un huit-clos, pour au contraire les faire sortir, les faire se confronter au monde extérieur, avec une infinie douceur et pudeur. L’élégance de sa mise en scène met en lumière les sentiments des personnages qui se débattent avec cette douleur immense, qui les noie, les étouffe. Pourtant ce drame se révèle lumineux, malgré tout. Le réalisateur n’a pas cherché à forcer le trait, n’a pas hésité à mettre des touches d’humour et surtout évite tous écueils maladroits et mélodramatiques. C’est lorsque la douleur explose, avec intensité, violemment, lorsque les personnages font tomber leurs masques et regardent en face la vérité que le film se fait bouleversant. Le constat sera brut, sans appel et ô combien douloureux. John Cameron Mitchell n’a pas peur de filmer deux êtres broyés, ni de dire la vérité : que de la mort de son enfant, on ne s’en remet jamais, que la douleur ne partira pas, qu’on apprend juste à la « supporter » jusqu’à ce qu’elle se rappelle à nous, sans cesse. Elle est comme une brique dans la poche de sa veste, nous dit la mère de Becca (Dianne Wiest, sublime de justesse), un poids que l’on porte pour toujours. Et puis, on remet les masques, parce qu’on doit avancer, du moins faire semblant, même si à l’intérieur, il n’y a plus que le vide laissé par cet enfant disparu. Un sommet d’émotions.