Le gamin au vélo

 

Cécile de France & Thomas Doret. Christine Plenus

 

 

Christine Plenus

Déjà deux Palmes d’or (Rosetta en 1999 et L’Enfant en 2005) et voilà que les frères Dardenne reviennent au Festival de Cannes, une nouvelle fois en compétition, histoire de laisser le moins de chance possible aux autres concurrents. Que dire de ce gamin au vélo? Qu’il est sans aucun doute l’un de leurs meilleurs films – certains de dire même le meilleur. Le film ne dure qu’une heure et demie. Autant dire une fulgurance, une claque. Pas de digressions, pas de récit étiré qui chercherait à nous expliquer le passé (où et qui est la mère du gamin on ne le saura jamais), pas de psychologie à deux sous (on devine le désir de maternité derrière le choix de Samantha d’accueillir Cyril, mais ils n’iront pas plus loin dans les explications). Juste l’instant présent, et ce petit garçon (Thomas Doret, une révélation bouleversante), boule de nerfs et de colère prêt à exploser, qui cherche son père qui l’a abandonné, parce qu’il ne pouvait ni ne voulait s’en occuper. Et Cyril de souffrir au plus profond de lui-même mais de rouler sur son vélo, à fond, toujours en mouvement, sans s’arrêter. Cette dignité que possède Cyril est un trait commun des personnages des Dardenne : toujours droits, dignes, les poings serrés malgré des situations terribles. Pas de misérabilisme mais une puissance dramatique renversante.

 

 

Et puis il rencontre Samantha (Cécile de France qui n’a jamais été aussi juste et poignante), une coiffeuse qui va l’aimer alors que tous les autres le laisseront tomber,d’un amour inexplicable, généreux et fort . De quoi laisser entrevoir un peu de lumière dans ce cinéma-vérité, cruel, réaliste, social, violent mais terriblement humain jusqu’au plus profond de la pellicule. Il y a cet amour, cette émotion qui nous étreint lorsque Samantha accueille Cyril, prête à le protéger de tout. Mais rien de larmoyant. Mais malgré Samantha, malgré tout, Cyril flirte avec la délinquance quand il rencontre un jeune voyou. A partir de là, la tension nous entourera jusqu’aux dernières images, le spectateur attendant le point de rupture, celui où tout va basculer. On sait que les Dardenne n’ont peur de rien (dans L’Enfant, un jeune père va jusqu’à vendre son bébé), mais iront-ils jusqu’au bout? Le montage plus nerveux que d’habitude, rythmé et avec moins de plans-séquences accentue le fait que Cyril soit constamment en mouvement, en train d’avancer, droit dans le mur parfois, au point de se cogner, de tomber et de se relever pour encore avancer, encore et toujours, comme la dernière scène le montre. 

 

D’une simplicité désarmante, avec une absence de pathos remarquable et une rencontre inattendue entre deux êtres magnifiques, Le gamin au vélo, très grand film des frères Dardenne, nous dit que oui, l’amour peut sauver les gens. Un film courageux et beau dans un monde sombre et triste.
 
« (…) avancer, se cogner, avancer toujours, agir, faire des choses et soudain il y a simplement un temps d’arrêt qui survient, imprévu, où quelque chose jaillit dans cette course, ce principe d’action continue, de dépense d’énergie, Cyril qui pédale et pédale, ce gamin dont le père ne veut plus s’occuper, qu’une fille recueille comme ça, pour rien, et ces deux-là finissent par se trouver bien ensemble, il y a un moment où ça s’arrête et l’on sent un instant quel mal parfois on fait aux gosses » par Jean-Philippe Tessé, Cahiers du cinéma, mai 2011.
 

 

 

 

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