Il y a quelque chose de saisissant dans Taxi Driver : cette violence sourde qui finira par exploser, à la fois dévastatrice et libératrice, cette urgence qui imprègne chaque seconde de la pellicule, tout ce bruit et cette fureur que déversent les rues de New-York, sans cesse. Travis Bickle le marginal, revenu du Vietnam, insomniaque, en veut au monde entier (les noirs, les homosexuels, les prostituées, les macs, les voleurs…"la racaille" comme il dit). Il cherche un boulot, pour s’occuper pendant ses heures d’errance : il sera chauffeur de taxi. Arpentant alors les rues de la grosse pomme, il fuit cet univers vicié, sexuel, violent, dépravé, se pensant à l’abri dans son taxi qu’il voit comme une "carapace". Mais la puanteur et la saleté s’infiltrent dans son quotidien. Martin Scorsese avait 34 ans lorsqu’il tourna ce film, Robert de Niro 33 ans. Trois ans auparavant, ils avaient tourné ensemble Mean Streets. Le début d’une longue collaboration qui allait marquer le cinéma.
De Taxi Driver, beaucoup ne connaisse (ou ne se souvienne) que d’une scène, celle du monologue de Travis, face à son miroir, avec son flingue "You’re talking to me? Then who the hell else are you talkin’ to?". Seule improvisation du jeune acteur pour ce film. Pourtant, il serait dommage de réduire l’uvre de Scorsese à ces seules quelques minutes. C’est avant tout le film d’une chute, celle d’un homme dans la folie, ainsi que du rapport d’un individu à son époque : ici du dégoût, un rejet, mêlé d’obsession et de fascination. New-York est une jungle dans laquelle chacun tente de survivre. Pour cela, une règle : enfiler un masque, devenir ce que les autres veulent voir, se fondre dans la masse. C’est là qu’apparaît "l’ambulante contradiction" qu’est Travis, comme lui dit la belle Betsy, jeune femme qu’il fréquentera quelques fois avant qu’elle ne le délaisse. Il souhaite s’intégrer à la société, être quelqu’un de "bien", mais n’arrive pas à s’effacer derrière cette image faussée : il est raciste, fixe les afro-américains dans la rue, va au cinéma voir des films pornos…Cela créé un lien entre notre anti-héros et la ville : il y a une dualité violente (le jour, la ville paraît presque respectable, la nuit elle s’anime et vit des pulsions de ses habitants) qui se dessine, amorçant déjà la folie qui va dévorer le personnage principal (on pourrait même penser à de la schizophrénie, thème qui sera développé par le cinéaste dans Shutter Island en 2010).
Celui-ci plonge dans la dépression et la solitude, malgré ses repas avec d’autres chauffeurs de taxi, malgré sa rencontre avec Betsy, qui le rejettera lorsqu’elle verra qui il est vraiment (ce qui accélérera sa chute), malgré les millions de personnes qui remontent les rues de New-York la nuit. Seule Iris (la jeune Jodie Foster) une jeune prostituée de 14 ans environ, le rend encore "humain", puisqu’il sera prêt à mourir pour la sauver des griffes de son mac (Harvey Keitel, excellent) : cette rencontre est primordiale dans la narration du film, mais aussi dans la psychologie du personnage, ambigu. Travis Bickle n’est ni totalement amoral, ni haïssable, et donc, plus compréhensible par les spectateurs. Précipité dans la folie qui libérera ses pulsions les plus noires et violentes, notre anti-héros se veut désormais acteur, et non plus simple esprit passif qui subit. Armé, il se transforme physiquement, change de personnalité, pour devenir celui qui va tuer puis qui va à son tour mourir (l’attaque finale est préméditée ainsi que sa propre mort). Il veut se venger de la société en tentant de tuer le sénateur Palantine (symbole des dirigeants politiques, ceux qui manipulent l’opinion publique pour se faire élire) puis en massacrant les macs de Iris (la "racaille" qu’il abhorre) en une scène de violence sauvage, embrassée par la mise en scène nerveuse de Scorsese. Mais ce n’était pas son heure, et Travis survit : ce n’était pas tant une auto-destruction qu’une volonté d’expurger ses démons. Lorsqu’on le retrouve quelques temps après cet acte de violence, celui-ci semble tout à fait normal : débarrassé de ses pulsions destructrices, il a repris le cours de sa vie, et est même devenu un héros (cynisme absolu de la part du réalisateur) en tuant les "méchants" qui prostituaient la jeune Iris, et a donc raté son passage d’être passif à actif. De retour dans son taxi, aucune voix off dénonçant son malaise n’accompagne les images. Travis a accepté de faire comme les autres : taire ses pensées et pulsions, être ce que les autres veulent qu’il soit. Mais une interrogation demeure : qui sait quand ses pulsions referont surface?
Révélateur des maux d’une Amérique malade, viciée, désenchantée (l’american dream est déjà loin devant), Taxi Driver se pose en critique de la société des années 70 mais aussi en une leçon de cinéma vertigineuse. La consécration viendra d’ailleurs peu après pour l’acteur principal et son metteur en scène, lorsque le film remportera la Palme d’or au Festival de Cannes en 1976.
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Page du film sur Price Minister
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Que rajouter ? Je crois que tu as tout dit !
Perso, ce n’est pas la scène du monologue qui m’est restée, mais celle après le massacre : De Niro, couvert de sang, pointant ses doigts vers sa tempe comme s’il s’agissait d’un pistolet. Un grand film !