Voilà plus de 3 mois que je me suis prise Mustang en pleine face. Je l’ai découvert au Festival de Cannes, par hasard, quelques lignes dans le livret, nom de la réalisatrice inconnue. J’y suis rentrée sur la pointe des pieds, ne savant ce que j’allais voir. En sortant de la séance, je savais clairement que j’avais vu, ce qui serait pour moi, le meilleur film du Festival (Mustang a été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs). Je n’ai malheureusement rien écrit après la vision de Mustang, l’envie mais pas le temps, mais je veux aujourd’hui vous en toucher quelques mots. Evidemment, le temps a fait son oeuvre et effacé certains détails mais l’essentiel demeure.
D’une puissance rare, Mustang est une oeuvre racée, libre et sauvage où l’on voit cinq jeunes filles orphelines forcées de rester cloîtrées chez leurs oncle et tante, avant d’être mariées de force. Car elles ont osé jouer avec des garçons en public, des jeux innocents mais vus par les voisins comme diaboliques, accusées d’avoir « frottées leurs parties intimes contre leurs nuques ». Si l’ombre de Sofia Coppola et de son Virgin Suicide plane sur Mustang, Deniz Gamze Ergüven trouve rapidement son propre langage cinématographique et son propre style. Narrée par la plus jeune des sœurs, Mustang s’inscrit dans un réalisme tragique, tout en ménageant quelques moments d’humour pour tenir au loin le misérabilisme. Le film parle de la place des femmes en Turquie, enfermées, bafouées, à la merci des hommes, obligées de se taire. Mais tels les chevaux sauvages et indomptables dont le titre s’inspire, les cinq héroïnes du film, elles, rêvent de liberté, d’aller à la capitale, de se cultiver, de sortir, d’aimer qui elles veulent et comme elles le souhaitent. C’est une déclaration d’amour aux femmes, au féminisme, à la liberté, au respect. Vers la moitié du film, le tragique prend le dessus, les sourires se fanent mais les ruades se font plus fortes : elles luttent pour s’en sortir, s’extraire de ce « cocon » familial qui veut faire d’elles de parfaites femmes de maison dans la langueur de cette chaleur d’été. A chaque sœur mariée et séparée du groupe, la pression se fait plus forte, intense et celles restées derrière se rebiffent. Avec l’envie d’une vie meilleure. Une oeuvre vibrante portée à bout de bras par cinq jeunes actrices en devenir, qui incarnent un des plus beaux et passionnants portraits de filles (et presque femmes) qu’on ait pu voir depuis un moment.
On pourra lui trouver quelques maladresses, mais je ne m’en rappelle plus. Ce qui reste en mémoire c’est la force sauvage de ces cinq filles, prêtes à en découdre, prêtes à tout pour être libres. Un grand premier film à voir absolument.