Dheepan

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Fuyant la guerre civile au Sri Lanka, un ancien soldat, une jeune femme et une petite fille se font passer pour une famille. Réfugiés en France dans une cité sensible, se connaissant à peine, ils tentent de se construire un foyer.

Dheepan, de Jacques Audiard, est un film étrange, qui surprend. Si au début on pense à Ken Loach pour le réalisme social, le film s’oriente rapidement vers un mélange des genres, à la fois social, mélo et thriller. Certains ont rapproché Dheepan d’un conte. Ce n’est pas totalement faux. Ce n’est pas un plaidoyer pour les immigrés, pour ces petits gens qui galèrent dans l’ombre, qui souffrent. Ce n’est pas une dénonciation, il n’y a rien de politique. C’est l’histoire d’un homme, d’une femme et d’une petite fille, qui ne se connaissent pas, obligés de vivre ensemble pour avoir des papiers et qui essaient, tant bien que mal, de construire « une famille ». La notion de famille est aujourd’hui plutôt dépassée, ne fait plus beaucoup rêver les jeunes. Dans Dheepan elle est le coeur du film. Pour « sa » femme et « sa » fille, Dheepan sera prêt à tout. C’est très émouvant, dur et révoltant parfois, et on s’attache très rapidement à ces trois beaux personnages qui essaient de s’aimer et de s’intégrer. Il faut saluer les prestations des trois acteurs principaux, qui ne sont pas acteurs professionnels, bouleversants et sans pathos dans leurs rôles: Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan et Claudine Vinasithamby. Dheepan rappelle également que Audiard est un grand metteur en scène. L’atmosphère est ici pesante et nerveuse, nous met mal à l’aise. On sent que quelque chose va bientôt exploser, déraper.

Dheepan se rapproche plus de De rouille et d’os que d’Un prophète (Grand Prix du Jury, Festival de Cannes 2009). Le dernier était sec, violent, âpre, sans concession. Dheepan est aussi violent et âpre mais avec un côté plus naïf, plus mélodramatique, que l’on retrouve dans De rouille et d’os : ce (beau) film voyait s’enchaîner les coups du sort, et on avait l’impression que les personnages principaux ne s’en sortirait jamais. Jusqu’à l’ultime rédemption, au moment de grâce où l’espoir renaît. Ce côté « conte de fées » est ancré dans Dheepan et revendiqué même. Certes, la scène finale est too much, naïve, peut-être incohérente. Mais à travers elle, Audiard nous rappelle qu’il fait du cinéma. Du pur cinéma. De la fiction, émouvante, dure parfois, mais qui a le droit, elle, de bien se terminer. N’en déplaise à ceux qui voulaient y voir quelque chose de plus réaliste. Cette année, la Palme d’or est un film de cinéma, une belle oeuvre, pleine d’humanité, un cinéma généreux et ouvert, qui n’a d’autre prétention que d’émouvoir et de raconter une histoire d’amour.

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