Juste la fin du monde

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Compétition officielle – Festival de Cannes 2016

Grand Prix

Il y a de un sentiment d’urgence chez Xavier Dolan, que ce soit dans sa filmographie (6 films en 8 ans à tout juste 27 ans !) que dans sa nouvelle œuvre, Juste la fin du monde. D’une durée de 1h36, on est loin des 2h18 de Mommy ou des 2h48 de Laurence Anyways. Il y a dans Juste la fin du monde l’urgence de vivre, l’urgence de se consumer, de (re)découvrir les autres, de se faire pardonner et de pardonner et peut-être d’aimer. Vaste programme pour l’adaptation de la pièce de théâtre (en partie autobiographique) de Jean-Luc Lagarce, dans laquelle Louis, jeune auteur, revient dans sa famille après 12 ans d’absence pour leur apprendre sa mort prochaine. Un peu moins excessif qu’auparavant, Xavier Dolan est bien le jeune cinéaste le plus doué de sa génération. Il n’a pas peur de filmer une chorégraphie d’aérobic sur Dragostea din tei (un tube de O-Zone des années 2000), de jouer avec les couleurs, ni de farder Nathalie Baye de manière très voyante. Xavier Dolan n’a peur de rien et surtout pas de choquer ou de secouer. Il a le bon goût de filmer cette journée de retrouvailles dans ce qu’il y a de plus intime. Rien de spectaculaire, mais l’intime, les regards, les silences, les hésitations, les mots durs. Xavier Dolan filme les visages, les bouches, les yeux, et c’est tout simplement bouleversant. L’utilisation de gros plans nous plonge directement au cœur du champ de bataille. Car lorsque le fils prodigue revient, les rancœurs, l’ignorance de l’autre et les mots gardés au plus profond de soi vont resurgir.

Il y a Martine (Nathalie Baye), la mère, un peu hystérique, haute en couleurs et qui radote. Suzanne (Léa Seydoux) en jeune femme sensible sous ses tatouages qui voudrait connaître ce frère qu’elle connaît peu, et qu’elle a idéalisé. Et puis Antoine (Vincent Cassel), l’aîné, colérique et les mots durs, marié à la jolie Catherine (Marion Cotillard), discrète et balbutiante, qui va deviner ce que Louis ne dit pas. Et donc, Louis (Gaspard Ulliel, qui a gardé des airs de son précédent film Saint Laurent), trentenaire qui va bientôt mourir, auteur de pièce de théâtre parti loin de cette famille névrosée et qui revient aujourd’hui pour leur dire adieu. Il n’y a que cinq rôles, cinq personnages, et un quasi-huis clos. Cinq personnalités qui se heurtent et tentent de s’aimer et se pardonner. La relation avec la mère n’est pas ici le centre d’intérêt de Xavier Dolan mais celui-ci s’intéresse aux relations familiales (mère, soeur, frère). Il y a une violence contenue, parfois libérée par des phrases, des mots. Une famille qui se recompose après une longue absence.

Regards fiévreux et dialogues forts et puissants font de Juste la fin du monde un film au bord de l’implosion, un film de retrouvailles familiales apocalyptiques. Plus on avance dans cette journée, plus les couleurs vont devenir fortes, éclatantes, épousant la puissance du film, qui sera à son maximum dans la scène finale, bouleversante. Et que dire des acteurs (Ulliel, Baye, Seydoux, Cassel, Cotillard) ! Xavier Dolan a su s’entourer d’acteurs exceptionnels, qui se mettent à nu dans ces rôles forts. Ils ont rarement été aussi justes, aussi émouvants. Alors que leurs échanges se font dans les cris et la douleur, blessants, on sent au fond que c’est leur manière d’aimer, de dire à l’autre qu’on l’aime. Une fulgurance de film qui confirme le génie de son jeune réalisateur.

Le film sortira le 21 septembre 2016 en salles.

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