Le nouveau Pablo Trapero est passé inaperçu lors de sa sortie en salles ce mercredi 17 février. Récompensé par le Lion d’Argent -prix de la mise en scène à la Mostra de Venise 2015 et du Goya du meilleur film étranger en langue espagnole en 2016, El Clan n’est pas l’oeuvre anecdotique que l’on pourrait croire. Certes il n’y a pas le grand Ricardo Darin ou la belle Martina Gusman, certes le film est moins beau, moins vibrant, moins bouleversant que Leonera ou Carancho mais ce nouveau long-métrage prouve à nouveau l’amour du cinéaste pour le film noir, le polar dérangeant.
Dans El Clan, Pablo Trapero s’inspire de faits réels. Une histoire de kidnapping et de meurtres qui avait secoué l’Argentine dans les années 80. Les Puccio sont une famille à priori banale, tranquille. Le patriarche, Arquímedes Puccio, travaillait pour les services de renseignements militaires jusqu’à la fin de la dictature en 1983. Aidé de son fils et couvert par sa famille, il enlèvera plusieurs personnes et les assassinera malgré la rançon. Le film s’intéresse principalement à sa relation avec son fils, Alejandro, star du rugby, qui essaie de se défaire de l’emprise de son père.
Une histoire glaçante, dérangeante, mettant en scène un père de famille effrayant et manipulateur, aux yeux perçants et froids (Guillermo Francella, terrifiant). Un homme qui se révèle être un être ambigu : à la fois père de famille respecté et psychopathe. Ce qui est surtout flippant est la cohésion de cette famille, complices passifs (sa femme et ses filles) et actifs (Alejandro). La mise en scène nerveuse et tendue de Pablo Trapero est accompagnée d’une bande sonore en décalé des images: c’est sur les hits musicaux des années 60 aux années 80 (Sunny Afternoon de The Kinks) que la violence surgit. Un contraste qui peut surprendre au début, un choix du réalisateur qui l’éloigne de James Gray et de ses tragédies noires, auxquels on avait pu penser au début.
Malheureusement, si la forme est impeccable et prouve le savoir-faire de Pablo Trapero, le fond est peu décevant. Le scénario survole un peu la psychologie des personnages ainsi que le dilemne moral d’Alejandro. C’est bien dommage car il manque cet aspect pour faire de El Clan un grand film. Il n’en reste pas moins une bonne surprise. J’apprécie énormément le cinéma argentin contemporain et l’on peut dire sans hésiter que Pablo Trapero est un de ses meilleurs réalisateurs.